Il est impossible de ne pas tomber sous le charme d'Agnès !
Elle est l'hôte de ces bois qui semblent l'avoir recueilli aussi naturellement qu'elle en a accepté toutes les règles : vivre avec et non contre !
Nichée en bonne harmonie dans le creux des branches et à l'ombre des feuilles, Agnès y a crée une merveilleuse philosophie qu'elle infuse avec sa belle-fille la douce Miwa, auprès d'enfants et de groupes plus âgés.
Dans un décor enchanté d'accumulations baroques et de surprises mises en valeur par l'originalité des lieux même, on y apprend les teintures végétales dont l'indigo est la matrice première et Miwa, la vestale.
Les origines de l'indigo remontent à 6 000 ans av. JC et ont été découvertes au Pérou. Il fut importé en Europe depuis l'Inde durant l'antiquité-romaine. La couleur bleue a différentes origines parmi elles, les feuilles et les tiges de l'Indigotier dont les fleurs peuvent être jaunes ou roses. Elles ont aussi plusieurs façons d'être travaillées pour obtenir la teinture voulue et chaque artisan a son secret bien gardé.
Voilà pour les grandes lignes, son historique et ses propriétés physico-chimiques sont complexes mais passionnantes car c'est une matière vivante dont on prend soin comme le levain du pain ou les ferments lactiques ; je vous invite donc, si vous êtes intéressés à parcourir la nombreuse littérature qui s'y rapporte.
Teinture végétale
Dans la végétation proche, nous sommes allées (majorité de filles donc ées !) chercher de belles feuilles bien découpées et juteuses ! Nous les avons placées dans un carré de tissu plié en deux ; ensuite nous avons frappé le tissu avec un caillou ou un marteau arrondi ; les veines de la feuille sont alors apparues en transparence. Le tissu a ensuite été plongé dans une solution de sel métallique qui a fixée la couleur. Selon les feuilles ou la "battue", le résultat est plus ou moins satisfaisant. Les tissus sont ensuite séchés à l'air libre.
La cérémonie du thé
Entre deux teintures différentes, Agnès nous a servi du thé, ce fut un moment de détente bien apprécié. Nous avons pu parler de choses et d'autres mais surtout de son univers. Ayant vécu en Russie, Agnès a construit une Datcha, un peu plus loin, dans la forêt, qu'elle loue de temps en temps. Une esplanade en bois accueille aussi des animations d'arts martiaux. Récemment Le Rituel, événements culinaires locavores bordelais, y a organisé un repas.
Son quotidien est une éternelle recherche pour améliorer sa qualité de vie tout en restant en adéquation avec sa charte de vie ; elle nous a raconté comment elle essayait de créer une machine à laver "à la main" ! avec un système de manivelle mais ce n'était pas encore au point ! Cela peut prêter à sourire car c'est sans doute l'origine de la machine à laver et Agnès ne semble n'avoir rien inventé là ! Mais la façon dont elle en parlait était très touchante, comme si elle revenait aux origines, elle voulait, avec ce dont elle avait en stock, imaginer SA machine à elle.
Agnès a hérité de ces terres, elle a décidé d'en faire son monde à elle, en essayant de résister à la modernité. Elle recueille, ne jette presque rien, elle trouve à chaque objet une place, soit dans la forêt, soit dans les maisons en bois, soit dans ses petites plantations. Ce qui donne au lieu une ambiance particulière, magique ; Agnès pourrait être un personnage de conte de fée mais de fées des bois. Elle en a d'ailleurs le physique ; sa longue chevelure couleur de ciel nuageux, avec quelques reflets bleus, son visage à peine ridé par le temps, des yeux juvéniles et rieurs ; vêtue d'une robe chemisier noire, elle semble frêle mais quand vous l'écoutez parler, sa forte nature se distingue alors et on sent qu'il lui suffirait d'une simple baguette magique pour changer son chat en licorne bigarrée.
L'art du pliage
Avant la teinture indigo, il nous a fallu plier le tissu ; cela permet ainsi à la couleur de s'abstenir sur certaines zones et créer ainsi des motifs sur le tissu. Découvrir les mille et une façons de plier le tissu, c'est s'exposer à une réflexion qui peut être très longue.
Il faut donc s'armer de patience et d'élastiques !
Ensuite le tissu a été plongé dans l'indigo en essayant délicatement de faire pénétrer la solution entre les plis. Le temps d'immersion définira l'intensité de la couleur.
- Les bleus de Miwa - |
Puis nous l'avons plongé dans l'eau claire pour enlever l'excès de couleur .
On l'appelle l'or bleu, la septième couleur, ...
... les feuilles séchées d'un arbuste à indigo sont broyées et stockées dans des sacs de toile où le processus de décomposition peut commencer. Après trois mois, on place ce compost dans une cuve avec un catalyseur de fermentation naturelle, de la farine de blé et de l'eau. Les bactéries amorcent alors leur travail et on doit le brasser régulièrement pour le maintenir en vie à une température de 36 ° - 37 ° C .
On peut aussi à partir de feuilles séchées ( quatre mois )et lavées, les meuler pour en extraire une pulpe qui est ensuite séchée et mise en boules, ce sont les cocagnes dénommées aussi " Pastels de Cocagne " ; elles sont alors utilisées pour servir à la préparation de la matière tinctoriale, l'agranat.
Cette pâte est alors réduite en poudre et aspergée d'eau ou d'urine ! pour activer la fermentation qui sera entretenue au quotidien.
Un bleu intense, violacé et "dramatique" !
Pour certains pliages il faut utiliser une presse.
La plante indigo est un répulsif pour les insectes, cela explique que dans certains pays comme la Grèce, l'intérieur des maisons est peint en bleu, elle a été utilisée en médecine externe comme antiseptique et elle a un pouvoir assouplissant pour les tissus .
Pour l'anecdote, les barbares bretons se peignaient le visage d'indigo afin d'effrayer l'ennemi, provoquant ainsi une peur bleue aux légions romaines.
Le bric à broc d'Agnès
Agnès semble avoir fait sienne cette phrase :
" Prends des leçons dans la (N)ature,
c'est là qu'est notre futur. "
Cet après-midi fut pour nous toutes un moment inoubliable et original, j'emploie ce dernier terme car aujourd'hui ce que vit Agnès pourrait être considéré comme rétrograde ou de pure folie ! Mais étrangement, c'est absolument rassurant !
La terre est sans doute la planète la plus aboutie de l'univers mais l'être humain, cette espèce la plus arrogante et la plus prétentieuse, s'évertue à penser le contraire !
A rêver d'un univers plus évolué, l'homme va donc détruire ce que le mystère de la (V)ie a créé de plus magique et de plus extraordinaire.
Réjouissons-nous que de belles personnes comme Agnès, Miwa et tant d'autres soient les gardiennes et gardiens de ce mur qui nous protège de la sottise humaine.
Vous trouverez sur le site ci-dessous, un bon dossier sur l'indigo.
A SUIVRE
Chapitre II
La leçon de cuisine de Miwa
Dorayaki
&
Anko
(pate d'Azuki)
- La Datcha d'Agnès - |
Un autre univers
...
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