lundi 26 février 2018

Dorayaki, Azuki et datcha ! Chapitre II ...






La datcha d'Agnès, c'est un peu comme si elle avait voulu rapporter un peu de Russie( où elle a vécu ), dans ses bagages.
Entièrement construite à la main, faite de bois et de matériaux récupérés, de-ci de-là mais toujours avec bon goût pour créer un décor qui lui ressemblera toujours ! 
Agnès n'a pas la prétention des grandes envergures que l'on prend quand un jour on décide de vivre retiré de ce monde-là ; elle semble s'accommoder de ce lien qui la rattache simplement à cette terre.






Le voyage, la surprise, les inventions et découvertes sont à chaque encoignure de murs ou jetés négligemment sur les coussins d'un canapé.
Difficile de ne pas s'y lover dans ces coussins, difficile de ne pas imaginer, Agnès,  Miwa ou Galilée racontait à Mina, les mystères des ciels étoilés, au dessus de cette forêt là.






Pour ce cours de cuisine que nous avions sollicité auprès de Miwa, vous vous souvenez ? la fée bleue de ces bois ; nous étions bien motivées, Isabelle, Catherine et moi. De toute façon pour aller voir Agnès et Miwa, nous sommes toujours merveilleusement enthousiastes.









MINA


Mina était présente, elle est la fille de Miwa ... subjuguée puis prompte à tourner la manivelle du presse-purée, Mina a toujours été pour sa maman ... Miwa, une assistante hors pair - comment un petit haricot rouge, bien dur, peut-il devenir si fin ?












En effet quand les haricots rouges sont cuits, l'épreuve du presse purée est assez amusante ... fastidieuse mais amusante !








Au fouet, citoyennes !






Nous avons dû aussi battre les oeufs et le sucre au fouet classique ( et oui ! sans électricité on doit s'adapter ! ) ; nous nous sommes donc relayées à la tâche pour obtenir une texture mousseuse et blanche qui  définira la légèreté de la pâte des dorayaki ! 

Mina a veillé à ce que le travail soit bien fait ! avant d'aller picorer quelques cacahouètes près du poêle.







Pour notre venue, Mina a voulu revêtir son kimono de cérémonie. Elle était si fière et si timide ; je sentais que de la prendre en photo la gênait ... mon appareil est pourtant discret ... j'ai compris qu'il fallait que je lui demande à elle et à sa maman si je pouvais les prendre en photos.
D'ailleurs ce billet a été soumis, au préalable, à leurs bons désirs qu'il soit publié ou non ! Mina est un merveilleux sujet pour qui aime faire des photos et habillée de la sorte, elle n'en était que plus photogénique. 

Mais cette façon de fuir devant mon objectif m'a troublé et surtout m'a fait penser à une situation un peu identique que j'ai vécue à Rome, il y a 20 ans  ... mais qui est, malgré tout, terriblement d'actualité !






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C'était un matin, au 55 via del Babuino, l'appartement dans lequel je vivais depuis un an comme jeune fille au pair ; entre la plazza di Spagna et la plazza del Popolo  . Bénédicte, mon amie désormais de toujours et rencontré à la Dante Alighieri ( Ecole romaine pour apprendre l'italien ), était présente . Il y avait donc Maria, spécialiste en repassage de maison. Je dis spécialiste car c'est en Italie que j'ai compris que ce métier n'était pas une simple tache domestique mais un véritable travail à part entière. Maria n'était pas une simple repasseuse, en dehors de la maison via del Babuino, elle officiait aussi depuis longtemps chez Federico Fellini  et quelques temps avant qu'il ne décède en octobre 1993, quand j'ai connu Maria. 
Elle était un personnage ; plus proche des contes de fées que des figures truculentes d'un Fellini. Elle avait une étrange physionomie,  petite, assez fluette, des cheveux blancs délavés, mi courts et surtout un nez déterminant ! comme la sorcière de Blanche neige. Quand elle marchait elle traînait ses patins sur le parquet, on l'entendait ainsi aller de la cuisine à l'entrée où elle avait installé sa planche. Elle était bougonne, avec des manies qui nous faisaient rires Bénédicte et moi.
Ce jour là, alors que nous étions toutes les trois à papoter , Maria nous racontait souvent des petits détails de la vie quotidienne de Federico Fellini avec Guiletta Masina , nous voulûmes la prendre en photo pour garder un souvenir d'elle .

Nous comprîmes très vite que nous avions fait une erreur. Maria s'est figée, a baissé la tête puis nous a dit d'un ton sec :
- Ne me prenez jamais en photo, je ne vous ai pas donné mon accord, c'est comme voler l'âme de quelqu'un ce que vous faîtes.
 ....

Bénédicte et moi, nous nous sommes regardées un peu surprise par l'attitude de Maria ;  nous étions, je crois, si étonnées que notre première réaction fut de rire puis devant son visage fermé , nous nous sommes senties gênées.

Aujourd'hui encore, quand nos souvenirs nous ramènent à Rome, nous parlons de Maria et de cette scène qui nous a marquée.

Si il fallait donc comparer ce souvenir à Mina, je dirais que les enfants ont souvent naturellement cette attitude de méfiance, de préservation de leur image ... alors que dire désormais de ce monde qui ne prend plus en compte ce réflexe  " ?  Et qui, de plus, les jette en " pâture " sur les réseaux sociaux .

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Cacahouètes, coquillages et chicorée grillée.







Ressentez-vous en regardant ces photos, cette impression que j'ai toujours,  de parenthèse infinie ? D'un monde que chacun de nous devrait vivre ou revivre un jour au moins une fois, pour ne pas en oublier l'essence, une sorte de mise à jour basée sur le passé, pour consolider le présent et non uniquement sur le présent et pour des données futures. 
En fait que savons-nous du futur ? Le passé et le présent ne sont - ils pas plus fiables ?








Le dorayaki est une sorte de pancake traditionnel fourré de pâte sucrée de haricots rouges ( Azuki ). Très populaire au Japon, il ne fut cependant doublé ( deux pancakes au lieu d'un ) qu'en 1914 dans une pâtisserie d'un quartier de Tokyo.









Miwa nous prépare nos pâtes d'Azuki à emporter, à la japonaise ! 
c'est à dire joliment emballées. 






Savez-vous qu'au Japon, l'emballage est peut-être plus important que le présent lui même. En l'occurrence, c'est une jolie manière de mettre en valeur le fond ( la pâte d'Azuki ) et la forme ( le bocal joliment nappé d'un papier japonais ) ; une philosophie qui parle aussi par déduction de l'apparence des êtres ?
Mina s'étant vêtue de son beau kimono de cérémonie pour nous recevoir dans l'humble datcha de sa grand-mère, ne nous a-t'elle-pas gratifié et donné ainsi de l'importance ? 
Elle nous a offert, à sa manière un accueil bienveillant et nous l'avons découvert plus tard, digne des dorayaki de sa maman.


                  


Pourquoi croyez-vous que l'on appelle ce deuxième lieu la datcha ?


















Agnès et Miwa dans la cuisine.








Seriez-vous prêts à venir vivre en pleine (N)ature ?

A créer un monde qui vous ressemble, un univers qui vous rendrait libre de toutes
addictions, excepté celle de la nature ?

Seriez-vous prêts à accepter ce que le temps réel peut vous donner comme liberté ?

Une inénarrable sensation de sérénité, loin du monde environnant, loin de toutes cacophonies urbaines, loin de toutes prisons dorées, loin de toutes vitesses mortifères ...








  LA NATURE EST PLEINE D'INFINIES RAISONS 

Léonard de Vinci 













Merci à Agnès, Miwa et Mina, 
ainsi qu'à Isabelle B.















jeudi 4 janvier 2018

Flora Atlantica - Chapitre I ... Voeux 2018




Il est impossible de ne pas tomber sous le charme d'Agnès !
Elle est l'hôte de ces bois qui semblent l'avoir recueilli aussi naturellement qu'elle en  a accepté toutes les règles : vivre avec et non contre !
Nichée en bonne harmonie dans le creux des branches et à l'ombre des feuilles, Agnès y a crée une merveilleuse philosophie qu'elle infuse avec sa belle-fille la douce Miwa, auprès d'enfants et de groupes plus âgés.
Dans un décor enchanté d'accumulations baroques et de surprises mises en valeur par l'originalité des lieux même, on y apprend les teintures végétales dont l'indigo est la matrice première et Miwa, la vestale.








Les origines de l'indigo remontent à 6 000 ans av. JC et ont été découvertes au Pérou. Il fut importé en Europe depuis l'Inde durant l'antiquité-romaine. La couleur bleue a différentes origines parmi elles, les feuilles et les tiges de l'Indigotier dont les fleurs peuvent être jaunes ou roses. Elles ont aussi plusieurs façons d'être travaillées pour obtenir la teinture voulue et chaque artisan a son secret bien gardé.
Voilà pour les grandes lignes, son historique et ses propriétés physico-chimiques sont complexes mais passionnantes car c'est une matière vivante dont on prend soin comme le levain du pain ou les ferments lactiques ;  je vous invite donc, si vous êtes intéressés à parcourir la nombreuse littérature qui s'y rapporte.















Teinture végétale





Dans la végétation proche, nous sommes allées (majorité de filles donc ées !) chercher de belles feuilles bien découpées et juteuses ! Nous les avons placées dans un carré de tissu plié en deux ; ensuite nous avons frappé le tissu avec un caillou ou un marteau arrondi ; les veines de la feuille sont alors apparues en transparence. Le tissu a ensuite été plongé dans une solution de sel métallique qui a fixée la couleur. Selon les feuilles ou la "battue", le résultat est plus ou moins satisfaisant. Les tissus sont ensuite séchés à l'air libre.






- Deux résultats différents ! -


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La cérémonie du thé


Entre deux teintures différentes, Agnès nous a servi du thé, ce fut un moment de détente bien apprécié. Nous avons pu parler de choses et d'autres mais surtout de son univers. Ayant vécu en Russie, Agnès a construit une Datcha, un peu plus loin, dans la forêt, qu'elle loue de temps en temps. Une esplanade en bois accueille aussi des animations d'arts martiaux. Récemment Le Rituel, événements culinaires locavores bordelais, y a organisé un repas.
Son quotidien est une éternelle recherche pour améliorer sa qualité de vie tout en restant en adéquation avec sa charte de vie ; elle nous a raconté comment elle essayait de créer une machine à laver "à la main" ! avec un système de manivelle mais ce n'était pas encore au point ! Cela peut prêter à sourire car c'est sans doute l'origine de la machine à laver et Agnès ne semble n'avoir rien inventé là ! Mais la façon dont elle en parlait était très touchante, comme si elle revenait aux origines, elle voulait, avec ce dont elle avait en stock,  imaginer SA machine à elle.











Agnès a hérité de ces terres, elle a décidé d'en faire son monde à elle, en essayant de résister à la modernité. Elle recueille, ne jette presque rien, elle trouve à chaque objet une place, soit dans la forêt, soit dans les maisons en bois, soit dans ses petites plantations. Ce qui donne au lieu une ambiance particulière, magique ; Agnès pourrait être un personnage de conte de fée mais de fées des bois. Elle en a d'ailleurs le physique ; sa longue chevelure couleur de ciel nuageux, avec quelques reflets bleus, son visage à peine ridé par le temps, des yeux juvéniles et rieurs ; vêtue d'une robe chemisier noire, elle semble frêle mais quand vous l'écoutez parler, sa forte nature se distingue alors et on sent qu'il lui suffirait d'une simple baguette magique pour changer son chat en licorne bigarrée.












L'art du pliage


Avant la teinture indigo, il nous a fallu plier le tissu ; cela permet ainsi à la couleur de s'abstenir sur certaines zones et créer ainsi des motifs sur le tissu. Découvrir les mille et une façons de plier le tissu, c'est s'exposer à une réflexion qui peut être très longue.






Il faut donc s'armer de patience et d'élastiques !





Ensuite le tissu a été plongé dans l'indigo en essayant délicatement de faire pénétrer la solution entre les plis. Le temps d'immersion définira l'intensité de la couleur.



- Les bleus de Miwa -





Puis nous l'avons plongé dans l'eau claire pour enlever l'excès de couleur .





- Miwa -














L'indigo de Miwa


On l'appelle l'or bleu, la septième couleur, ...







... les feuilles séchées d'un arbuste à indigo sont broyées et stockées dans des sacs de toile où le processus de décomposition peut commencer. Après trois mois, on place ce compost dans une cuve avec un catalyseur de fermentation naturelle, de la farine de blé et de l'eau. Les bactéries amorcent alors leur travail et on doit le brasser régulièrement pour le maintenir en vie à une température de 36 ° - 37 ° C .
On peut aussi à partir de feuilles séchées ( quatre mois )et lavées, les meuler pour en extraire une pulpe qui est ensuite séchée et mise en boules, ce sont les cocagnes dénommées aussi " Pastels de Cocagne " ; elles sont alors utilisées pour servir à la préparation de la matière tinctoriale, l'agranat.
Cette pâte est alors réduite en poudre et aspergée d'eau ou d'urine ! pour activer la fermentation qui sera entretenue au quotidien.





Un bleu intense, violacé et "dramatique" !










Pour certains pliages il faut utiliser une presse.












La plante indigo est un répulsif pour les insectes, cela explique que dans certains pays comme la Grèce, l'intérieur des maisons est peint en bleu, elle a été utilisée en médecine externe comme antiseptique et elle a un pouvoir assouplissant pour les tissus .
Pour l'anecdote, les barbares bretons se peignaient le visage d'indigo afin d'effrayer l'ennemi, provoquant ainsi une peur bleue aux légions romaines.



Collection de nids






Le bric à broc d'Agnès








Agnès semble avoir fait sienne cette phrase :

  " Prends des leçons dans la (N)ature, 
c'est là qu'est notre futur. "



Cet après-midi fut pour nous toutes un moment inoubliable et original, j'emploie ce dernier terme car aujourd'hui ce que vit Agnès pourrait être considéré comme rétrograde ou de pure folie ! Mais étrangement, c'est absolument rassurant !

La terre est sans doute la planète la plus aboutie de l'univers mais l'être humain, cette espèce la plus arrogante et la plus prétentieuse, s'évertue à penser le contraire !
A rêver d'un univers plus évolué, l'homme va donc détruire ce que le mystère de la (V)ie a créé de plus magique et de plus extraordinaire. 

Réjouissons-nous que de belles personnes comme Agnès, Miwa et tant d'autres soient les gardiennes et gardiens de ce mur qui nous protège de la sottise humaine.









Vous trouverez sur le site ci-dessous, un bon dossier sur l'indigo.












A SUIVRE  


Chapitre II

La leçon de cuisine de Miwa

Dorayaki
&
Anko
(pate d'Azuki)



- La Datcha d'Agnès -


Un autre univers

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